L’expérience chrétienne est avant tout une vocation, un appel. Ce n’est pas nous qui cherchons Dieu, mais c’est Lui qui vient à notre rencontre.

C’est l’expérience dont l’Écriture Sainte nous témoigne à travers des figures comme Abraham, Moïse, Judith, Esther, Ruth, Marie, les disciples et tant d’autres qui ont fait l’expérience dans leur propre chair de la rencontre avec Dieu et ne pouvaient plus rester les mêmes, mais se sont sentis appelés à annoncer et à rendre possible le royaume de Dieu, ici et maintenant. « Dans cette immense nuée de témoins », comme le raconte joliment l’épître aux Hébreux (11,2-12,4), nous ajoutons nos noms et, tout en reconnaissant la précarité de notre propre témoignage, nous nous efforçons d’entrer dans cette dynamique pour continuer à construire un monde fondé sur la foi, l’espérance et l’amour.

Histoire d’amitié

ciclista vocacionadoLa réponse à cet appel du Seigneur se tisse tout au long de la vie. Elle se consolide dans la fidélité de la vie quotidienne et nous fait dire avec l’apôtre Paul : « Certes, je n’ai pas encore obtenu cela, je n’ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus » (Ph 3,12). C’est une rencontre personnelle : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? Il lui répond : Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » (Jn 21, 15-17). Et dans cette histoire d’amitié, dans cette vie partagée, la personne est transformée de l’intérieur. La vocation devient ainsi, non pas quelque chose d’accidentel, mais constitutive de tout l’être et du faire, s’ouvrant à l’horizon d’une mission qui nous demande : « Sois le berger de mes agneaux. » (Jn 21, 15-17). 

Cet appel vécu comme irrésistible est ce qui différencie la foi chrétienne de tout autre choix fait dans la vie. Il s’agit d’une décision personnelle, mais c’est plus que cela : c’est le don de l’amour qui a fait que nos cœurs étaient-brûlants en nous, « tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures » (Lc 24,32). Cette expérience nous met en mouvement comme les pèlerins d’Emmaüs, retournant à Jérusalem lorsqu’ils ont reconnu le Ressuscité (Lc 24,33) et nous fait proclamer « ce que nous avons vu et entendu. » (Ac 4,20).

Tomber amoureux

La vie vécue comme une vocation devient le sens de la vie. Elle fait naître en la personne une disposition intérieure pour la réalisation d’une mission qui embrasse tout l’être et qui est confirmée par les aptitudes que l’on possède. Elle mobilise les énergies personnelles de telle sorte qu’absolument tout ce que fait une personne devient une réalisation de cette vocation. Dans ce sens, le jésuite Pedro Arrupe a composé un poème intitulé « Fall in love » qui en dit long sur ce que signifie cet horizon vocationnel : « (...) Ce dont vous tombez amoureux capte votre imagination et finit par laisser sa marque sur tout. C’est lui qui décidera de ce qui vous fait sortir du lit le matin, de ce que vous faites de vos couchers de soleil, de la façon dont vous passez vos week-ends, de ce que vous lisez, de ce que vous savez, de ce qui vous brise le cœur et de ce qui vous submerge de joie et de gratitude (...) ». Un autre saint, Pedro Poveda, fondateur de l’association de laïcs Institution Thérésienne, en pensant à l’horizon éducatif qu’il proposait comme vocation à ses membres, disait : « Donnez-moi une vocation et je vous rendrai une école, une méthode, une pédagogie ».

La profession, vécue dans cet horizon plus large, devient une véritable vocation. Cela nous place dans la même dynamique que les premiers chrétiens « qui ne se distinguent du reste  des hommes ni par leurs pays, ni par leur langage, ni par leur manière de vivre (...) mais, ils habitent, selon qu’il a plu à la Providence, dans des villes grecques ou barbares (...), ils se conforment, pour le vêtement, pour la nourriture, pour la manière de vivre, aux usages qu’ils trouvent établis, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur manière de vivre ». (Lettre à Diognète V, 1-4). Ici, une certaine sensibilité peut rejeter l’expression « les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur manière de vivre ». C’est compréhensible. Les limites de la langue et les usages de l’époque sont toujours susceptibles de changer. Mais comprenons bien : la vocation imprime à notre vie une disposition intérieure qui est la contribution fondamentale que nous pouvons offrir à nos contemporains. Cependant, ce qui est inéluctable et ce que nous avons à offrir, c’est une vie vécue comme une vocation et qui imprime la présence de l’Esprit dans tout ce que nous faisons. Notre profession est le terrain sur lequel nous testons notre amour pour Dieu et notre engagement fraternel, mais si la profession n’est pas nourrie par l’Esprit, elle perd son essence, sa raison d’être, sa fécondité.

unidos en la vocacionLa vie chrétienne ne prend pas sa retraite

En bref, celui qui vit sa vie comme une vocation élargit l’espace de sa tente et expérimente la fécondité du Royaume. Il sait que tout ce qu’il fait à une dimension transcendante. Son être et son action deviennent l’action de Dieu lui-même dans notre histoire. En fait, Dieu n’a pas d’autre moyen de se rendre présent parmi nous. D’où la nature radicale de l’appel à collaborer avec le Royaume : « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu. » (Lc 9,62). En effet, en cette expérience chrétienne, c’est toute la vie qui se passionne pour rendre Dieu lui-même présent dans cette histoire et, ce faisant, qui engage tout ce que l’on est. Lorsque la vie a été vécue dans cette perspective, la fin d’un emploi formel ne signifie pas la fin d’une tâche, mais un changement dans la réalisation de cette même tâche que chaque personne a trouvée pour donner le meilleur d’elle-même. C’est pourquoi, dans lavie chrétienne, il n’existe pas de retraite du travail, mais plutôt la joie de faire ce que l’on sait faire, chaque fois avec plus de gratitude, plus de générosité, plus de passion, plus de détachement.

Rénovation de fond

Une dernière remarque : à une époque où l'on dit que « les vocations manquent », comprendre la vie elle-même comme une vocation permet de nuancer cette affirmation car il est vrai qu'il y a un manque de vocations à la vie religieuse et presbytérale, mais cela ne doit pas aller de pair avec un manque de vocations à la vie chrétienne. Peut-être que ce moment nous dit que ces styles de vie ont besoin d'un profond renouvellement pour être attractifs pour les jeunes d'aujourd'hui et, peut-être, qu'ils doivent être compris à partir du sens le plus profond de cette vocation spécifique : de petits groupes, comme l'étaient les petites communautés chrétiennes, qui, avec leur style de vie, interpellent, encouragent et témoignent de la suite de Jésus.

Olga Consuelo Vélez, Teóloga. Bogotá, Colombia.
Équipe de traducteurs de l'IT.

 

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